Burkina Faso : Quand le démon des coups d’État ressuscite

Le démon des coups d’État a clairement renoué avec le Burkina, 35 ans après le putsch qui avait précédé un long fleuve tranquille de gouvernance au sommet de l’Etat et qui aussi sera estompé en 2014. Ce matin du vendredi 30 septembre 2022, les Burkinabè se sont encore réveillés dans une situation confuse dans la capitale. Après le putsch de janvier dernier, une situation similaire s’est dessinée toute la journée de ce vendredi. Des coups de feu ont été entendus dans des casernes militaires dans la ville de Ouagadougou tôt le matin et plusieurs artères de la capitale ont été bloquées par les militaires.

Depuis quelques mois, on observe des critiques parfois virulentes sur la gestion de la crise sécuritaire par le désormais ex-chef de la junte, le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo DAMIBA. Les nombreuses bourdes tirées de ses discours mais aussi les contradictions du chef de l’Etat inquiètent les Burkinabè qui avaient pourtant salué en grand nombre, le coup de force du 24 janvier dernier qui a renversé le pouvoir de Roch KABORE.
L’homme fort du pays qui devait faire de la lutte contre le terrorisme sa priorité, a fini par troquer son treillis de militaire contre un costume de politicien, selon certains citoyens.

Pendant ce temps la situation sécuritaire s’enlise. En début de semaine un convoi de ravitaillement de la ville de Djibo a été la cible d’une attaque de grande ampleur. Plusieurs camions remplis de vivres ont été incendiés, une dizaine de soldats ont été tués et une cinquantaine de civils portés disparus.

Jeudi dernier, des populations de la deuxième ville du pays avaient organisé une manifestation pour demander la démission du chef de la junte, visiblement dépassé par la situation. Un désaveu de plus en plus pressant et qui illustre toute la confusion autour de la situation de ce vendredi. Des questions légitimes traversaient alors les esprits: les militaires ont-ils pris les armes pour les mêmes raisons, ou est-ce un simple mouvement d’humeur de ces derniers comme ont tenté de le faire croire certaines sources, évoquant un mécontentement de traitement? Dans le flou total, la coupure de signal de la télévision nationale et le bouclage des axes stratégiques de la capitale ont clairement renforcé l’idée de coup d’Etat. À la mi-journée, un communiqué de la présidence annonce des pourparlers pour ramener le calme et la sérénité, et appelle à l’union pour le triomphe de la paix et de la sécurité. Que dire? L’histoire politique du Burkina est une alliance forte entre élections et coups d’Etats. Mais face à l’avancée du terrorisme, un nouveau coup d’Etat est-il la solution? Les nouveaux maitres du pays n’auraient-ils pas d’autres moyens pour mettre à contribution leurs capacités? Mais aussi, doit-on pour autant laisser la destinée de tout un pays aux mains d’individus qui n’ont de force que pour galvaniser des troupes après des attaques terroristes?

 La réponse à ces questions a été donnée vendredi 30 septembre. Le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) reste le maître de la situation mais plus sous les ordres du Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo DAMIBA qu’il accuse de trahison. Le coup d’État est consommé, un nouveau leader émerge; le Capitaine Ibrahim TRAORÉ est le nouvel homme fort du pays.

La CEDEAO condamne le nouveau changement anticonstitutionnel mais ce qui est fait est fait. La nouvelle page qui s’ouvre sera-t-elle la bonne?
Quoi qu’il en soit, le Burkinabè ne réclame qu’une chose: la fin des crépitements d’armes qui n’ont que trop duré et qui ont fini par lui enlever sa fierté et sa tranquillité d’entant.

Que la providence veille sur le Faso.

Dr. Yawovi Guillaume HOR
Rédacteur en chef de LCA

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